Introduction

La cheville, ou articulation tibio-tarsienne, ou encore talo-crurale, est l’articulation qui permet les mouvements du pied par rapport à la jambe dans le plan sagittal. C’est une articulation qui subit des contraintes extrêmement importantes, puisqu’en appui d’un seul pied elle supporte la totalité du poids du corps additionné de la force de réception au sol, cette dernière étant souvent importante lors de la pratique d’un sport.

Les os impliqués dans la cheville sont au nombre de trois : le tibia, le péroné et l’astragale. Les ligaments, tendons et muscles qui interviennent dans cette articulation sont nombreux. C’est ainsi que les dysfonctions articulaires, dues à un ou plusieurs de ses nombreux éléments anatomiques, sont assez courantes dans le milieu sportif. Les tendinopathies, les douleurs articulaires et surtout les entorses sont fréquentes et traitées efficacement en ostéopathie.

 

Épidémiologie

L’entorse de la cheville est le traumatisme le plus fréquent du système ostéo-articulaire. Environ 50’000 cas d’entorses sont enregistrés chaque année en Suisse, provoquant ainsi de nombreux arrêts de travail. Heureusement, la plupart des entorses rencontrées en pratique courante ostéopathique sont bénignes et peuvent donc profiter d’un traitement conservateur. Malgré tout, les traitements de ces lésions de stade I (généralement, on classe les entorses de la cheville en trois stades : stade I pour un simple étirement ligamentaire, stade II pour une rupture partielle ligamentaire, stade III pour une rupture complète ligamentaire) doivent être correctement menés au risque de chroniciser le problème.

Accidents un peu plus fréquents chez la femme, ils sont rares avant la puberté ainsi qu’après 55 ans. Même si les personnes de 20 à 40 ans sont les plus touchées, on risque l’entorse à tout âge. Surtout si l’on est un adepte de sports tels que le jogging, la marche sur du terrain accidenté et autres sports de pivot, comme le tennis, ou de contact, comme le football.

 

Causes

La plupart du temps (90 % des cas), l’entorse de la cheville implique une lésion des ligaments latéraux externes (talo-fibulaire antérieur et calcanéo-fibulaire) par un brusque mouvement d’inversion du pied, c’est-à-dire lorsque le pied se tord vers l’intérieur par rapport à la jambe qui « part » vers l’extérieur.

Certains sports, comme ceux mentionnés plus haut, ainsi que des talons hauts ou déformés vers l’intérieur, une hyperlaxité, des problèmes de proprioception, une obésité ou simplement un état de surmenage peuvent potentiellement être pourvoyeurs d’entorses.

 

Clinique

Le diagnostic de l’entorse est avant tout clinique. Il sera essentiel dès lors que le clinicien sache différencier la multitude de lésions qui peuvent simuler une entorse de la cheville comme, par exemple, les fractures du cuboïde, de l’os péronier, des malléoles, du Ve métatarsien, etc.

L’ostéopathe, s’appuyant sur ses connaissances approfondies de l’anatomie et de la biomécanique de la cheville, ainsi que par l’observation, la palpation et la mobilisation de celle-ci et des éléments qui l’entourent, va être capable de poser un diagnostic précis.

Si une déformation de la cheville, une importante tuméfaction ou une impossibilité de poser le pied par terre appellent un bilan radiologique, il en va tout autrement dans la majorité des cas qui, heureusement, ont un diagnostic bénin et peuvent décliner, au moins momentanément, des examens chers et potentiellement iatrogènes.

L’ostéopathe renforcera son examen clinique par des critères mondialement reconnus qui lui permettront de poser avec encore plus de confiance son diagnostic. Quelques critères pour exclure une entorse de grade II ou III, ou une fracture significative (> 3 mm), qui vont épargner ou sursoir un examen radiologique sont, par exemple, ceux appelés « d’Ottawa », qui ont une haute fiabilité, reconnue par de nombreuses études comme celle de Bachmann et coll (Bachmann LM, Kolb E, Koller MT, Steurer J. ter Riet G. Accuracy of Ottawa ankle rules to exclude fractures of the ankle and midfoot: Systematic review. BMJ 2003;326:417.) :

  • Le patient peut faire quatre pas ;
  • Ne présente pas de douleur à la palpation :
    • Dans les 6 cm distaux et postérieurs des malléoles interne et externe ainsi que de leur pointe ;
    • De la base du Ve métatarsien ;
    • De l’os scaphoïde du pied.

 

Traitement ostéopathique

Si l’examen clinique aboutit au diagnostic d’entorse de stade I, l’ostéopathe pourra commencer son traitement manipulatif une fois la phase aiguë révolue, c’est-à-dire environ 36 heures après le traumatisme. En attendant l’ostéopathe procédera à un traitement symptomatique et antalgique et conseillera au patient les soins d’urgence connus sous l’acronyme mnémotechnique « ICE », initiales des substantifs Immobilisation, Compression et Élévation.

Par la suite, le traitement ostéopathique, guidé par son concept holistique, ne va pas se focaliser uniquement sur l’articulation de la cheville, mais réharmonisera toutes les structures ayant souffert de ce traumatisme (n’oublions pas la complexité du pied qui comporte 26 os, 16 articulations, 107 ligaments et 20 muscles !). Cela inclura les chaînes musculaires et les composantes articulaires, ligamentaires et tendineuses du pied, de la cheville, du genou, de la hanche et de la colonne vertébrale (surtout lombaire). Ne négligeons pas les symptômes résiduels qui peuvent persister pendant des années, ou les douleurs chroniques survenant à moyen ou long terme qu’une entorse, même de stade I, peut provoquer par des déséquilibres et compensations pathologiques non diagnostiquées, ni traitées en conséquence.

L’ostéopathe, tenant compte de l’âge et la condition physique de la personne, va utiliser des techniques manuelles non douloureuses, efficaces et adaptées à chaque patient, comme le sont les techniques dites structurelles, tissulaires, de massage transverse profond, etc. Enfin, pour parfaire son traitement, le praticien cherchera l’adhésion thérapeutique du patient pour des exercices de rééducation proprioceptive à la maison, ainsi que de tonification des muscles éverseurs du pied (pour les entorses en inversion) comme les court et long fibulaires.

 

Traitements médical et chirurgical

Dans les entorses de stade II et III où l’on est en présence respectivement de ruptures de ligaments et d’avulsions, les orthopédistes proposeront d’immobiliser d’abord par une jambière plâtrée pendant environ deux semaines, suivi du port d’une orthèse de stabilisation de la cheville, au même temps que débuteront les soins manuels, pierre angulaire du traitement.

Plus l’entorse est sévère et plus elle aura une immobilisation stricte. Dans les cas de petites fractures, ou très légèrement déplacées, le traitement sera conservateur. La chirurgie ne s’imposera qu’en cas de fractures nettement déplacées ou de douleurs persistantes 3 à 6 mois après un traitement ostéopathique bien mené, ou dans les cas où le patient fait des entorses à répétition dues à une hyperlaxité ligamentaire.

 

Conclusion

Même si l’immense majorité des entorses de cheville sont bénignes, une visite chez l’ostéopathe est vivement recommandée. Celui-ci pourra tester la biomécanique des différentes structures impliquées dans ce traumatisme et réharmoniser celles qui auraient pu dévier de leur physiologie naturelle. Ne pas oublier qu’une cheville en dysfonction, même non douloureuse au début, peut provoquer des compensations pathologiques qui, à moyen ou à long terme, peuvent s’exprimer par des dysfonctions ou douleurs ailleurs que dans la cheville elle-même, comme les genoux, les hanches, les lombaires… Et ceci, des années après le traumatisme.

 

Francisco Donoso
Directeur